Il faut croire qu’on n’est pas les seuls à se poser des questions sur l’avenir du biz. Nos confrères américains ont eu récemment le même genre de discussion que nous avons régulièrement ici, en se demandant si le modèle classique du site porno avec accès membres payant sur abonnement était mort.

Un journaliste de XBIZ a synthétisé les échanges et on vous a traduit son article, parce que ça donne un éclairage vraiment intéressant sur le biz tel qu’il se pratique aux US, où le contenu et les services restent le produit, et pas la solution de paiement comme chez nous.

Sites pornos avec abonnement… c’est mort ?

C’est une question que la plupart des acteurs du biz adulte se sont posés ces dernières années : est-ce que le modèle économique des sites payants avec abonnement est mort ?

Luckey Starr, un membre de XBIZ.net, un réseau social dédié aux professionnels de l’adulte, a récemment remonté ce sujet intemporel à l’occasion de la transformation de son blog en site payant avec un post intitulé “Sites pornos avec abonnement… c’est mort ?”.

“Ma niche principale est le contenu gay amateur avec des mecs de couleur”, a précisé Luckey Starr à XBIZ. “J’ai une audience plutôt correcte mais l’affiliation ou les pubs directes ne payent pas assez.”

Starr dit que son site a du trafic et une audience fidélisée mais que c’est difficile de trouver un équilibre entre le trafic généré par le contenu gratuit et les revenus des accès premium.

“Au départ je voulais faire un site avec une zone membres, et les abonnés auraient payé un petit prix pour un accès complet à tout le site,” explique Starr. “Devenir membre est gratuit, mais certains contenus auraient été accessibles uniquement pour les membres payants.”

Comme ça fait partie des problèmes courants que rencontrent beaucoup de propriétaires de sites pour adultes à la recherche de façon alternatives de monétiser leurs visiteurs, Luckey Starr a demandé à la communauté ses idées et ses conseils sur ce que les clients étaient prêts à payer, et ce qu’il fallait offrir pour les convaincre de le faire.

La plupart des gens ne rachètent pas une affaire qui perd de l’argent

Parmi les réponses postées par les membres de XBIZ.net, l’anecdote racontée par Jeff Dillon de GameLink.com a été particulièrement inspirante.

“Penses-tu que Manwin achèterais des sites avec accès membres (genre Nasty Dollars/Reality Kings et Twistys) si ce type de sites était mort ?” a demandé Dillon. “La plupart des gens ne rachètent pas une affaire qui perd de l’argent”.

Acteur majeur de l’adulte aujourd’hui, Manwin a été un acheteur frénétique pendant plusieurs années, rachetant un large portefeuille de compagnies et de sites.

“Ceci dit,” a ajouté Dillon, “je dirais que les sites merdiques ou mal foutus, sans contenu exclusif de qualité, sont morts. C’est fini ce temps là.”

De fait, c’est impossible de généraliser en ce qui concerne les sites adultes payants. La question n’est pas de savoir si c’est mort ou pas, mais qui fait un site qui marche, et comment il y arrive.

“Est-ce que les sites à abonnement sont morts ? Non,” répond Kelli Roberts de Kelli Internet Services. “Ils sont toujours vivants et un site bien conçu avec des mises à jour régulières peut toujours gagner un bon paquet d’argent s’il a du trafic.”

“Le trafic est la clé de tout,” explique Roberts. “Au plus vous en avez et au plus vous ferez de l’argent. C’est aussi simple que ça.”

Le web designer EAC a confirmé un regain d’intérêt pour les sites payants, en remarquant qu’il travaille sur de nouvelles pages de vente, mais indique que la tendance concerne surtout les gros acteurs du secteur, tandis que TisMe de NotReally confirme que le nombre des sites payants continue de croître, puisqu’il en créé toujours plus.

Un autre web designer, Alyx de Cardinal Vice, partage l’avis de Dillon.

“Les sites pourris ne marchent plus aujourd’hui,” dit Alyx à XBIZ. “Par contre quelque chose d’original avec une touche de réalisme pourrait cartonner.”

“On peut toujours faire de l’argent avec des sites payants,” explique Alyx. “Mais maintenant ça coûte plus cher qu’avant. Du moins si vous voulez que ça marche.”

Nous gagnons toujours notre vie mieux que bien

Les anciens du secteur s’en sortent toujours bien pourtant. Danny Cox de Wild Rose Productions est un vieux de la vieille, qui a lancé son premier site en 1994, suivi par son premier site payant en janvier 1996.

Sa société a eu pas mal de succès et a été témoin de l’évolution du business des sites payants.

“Même si nous ne gagnons plus autant d’argent que nous le faisions à l’époque, nous gagnons toujours notre vie mieux que bien,” énonce Cox.

Aujourd’hui il y a énormément de sites payants qui tournent bien en pilotage automatique, assurant à leurs propriétaires un retour sur investissement sur le long terme. Les autres peuvent augmenter leurs revenus en s’adaptant aux besoin des clients, en faisant évoluer leur site au fil du temps.

“Comprenez votre public, écoutez les, donnez-leur ce qu’ils veulent et vous pourrez toujours faire de l’argent,” conclu Fox, soulignant le consensus général autour du fait que les sites pornos payants restent financièrement intéressants aujourd’hui.

Les mêmes méthodes qui ont fonctionné si bien pour les acteurs aujourd’hui établis sont aussi utilisées par la nouvelle génération d’entrepreneurs du web adulte.

En tant que nouvel arrivant, Donovan W de RRR Entertainment a expliqué à XBIZ que l’époque des sites payants avec abonnement n’était clairement pas révolue.

“Etant complètement novice dans la niche urbaine et prêt à explorer de nouvelles niches, je peux vous dire qu’avec une grosse campagne de pub originale et des idées innovantes vous pouvez directement avoir une réponse des clients,” explique Donovan W, mettant l’accent sur la nécessité pour les créateurs de sites d’essayer de nouvelles choses et de bosser pour trouver rapidement la formule qui marche.

“Ca m’a pris deux années complètes pour apprendre comment générer des revenus réguliers mais ça en valait la peine,” ajoute-t-il, conseillant aux autres créateurs de sites “d’essayer de trouver et de développer leur niche et de trouver de nouvelles niches originales sur lesquelles se lancer.”

James Slater nous donne le point de vue du sponsor, expliquant que les sites avec zone membres ne sont pas morts, tout simplement parce qu’il continue de vendre ses abonnements, et que ses ventes augmentent cette année, même s’il reconnait qu’elles restent en baisse par rapport au bon vieux temps.

“Si vous faites un site payant avec des produits associés, comme un site perso pour une fille qui a déjà vendu des clips sur Clips4Sale.com, les sites payants fonctionnent bien,” raconte Vendzilla de Glas Werx à XBIZ. “Les hôtesses de liveshow font aussi d’excellentes candidates pour des sites persos.”

Clio 3 portes d’occasion et MacDrive tous les midis

Tout le monde ne partage pas cette vision positive cependant, bien que ceux-là l’expriment avec un humour qui contraste avec l’ambiance souvent morose du monde du x en ce moment.

Si Roald de FreeOnes était lapidaire en expliquant que le marché des sites payants était “totalement mort” et qu’il “n’y avait pas de cash à se faire dans le porno”, ou que Siep Kuppens renchérissait en disant que le marché “était complètement mort”, leurs commentaires étaient surtout sarcastiques, Roald expliquant à côté qu’il employait 20 personnes dans ses locaux et encore plus à distance. Pas vraiment le signe d’un business qui s’effondre, sachant que d’autres acteurs du secteur ont encore beaucoup plus d’employés et de sous-traitants. La vision du marché change en fonction de votre taille.

Alien a posté un message qui résume le problème du point de vue du petit artisan du biz, remarquant que si les sites avec abonnements ne sont pas morts, pour les entrepreneurs individuels et les petites sociétés sans gros budget il vaut mieux partir du principe que c’est une époque révolue, à cause du prix grandissant pour lancer un site payant et ensuite le montrer à ses clients potentiels, cette dernière remarque faisant écho à celle de Kelli Roberts sur la nécessité d’avoir du trafic.

Alien souligne aussi que le besoin d’avoir un réseau de contacts professionnels, tout comme les défis persistants que représentent les fraudeurs et tous les efforts requis mis ensemble, représentent un défi tout simplement irréalisable pour les sociétés qui n’ont pas beaucoup de fonds ou les débutants, surtout dans l’environnement super concurrentiel du marché aujourd’hui.

“Si vous pensez avoir une vie de rêve et une Lamborghini en vous lançant dans le biz en partant de zéro aujourd’hui, dans les faits ça sera plutôt Clio 3 portes d’occasion et MacDrive tous les midis” énonce Alien, ajoutant aussi que malgré tout “rien n’est joué d’avance sur Internet”.

“Il y aura toujours des sites qui vaudront le coup de prendre un abonnement”, explique Alien, mais en ajoutant juste après que “les chances pour que votre site en fasse partie sont les mêmes que celles de gagner au loto, et vos gains risquent d’être au niveau de ce que ça vous a coûté pour avoir un site qui donne à vos clients l’envie de s’abonner”.

Beaucoup de clients sont toujours prêts à payer pour un service à un prix correct

Vient finalement la délicate question du prix du site payant.

“Je pense que les gens sont prêt à payer 10$ par mois,” propose HotHeap. “Il y a beaucoup trop de trucs gratuits de bonne qualité. Pas seulement sur les tubes, mais aussi sur Usenet.”

Ce n’est pas simplement un problème de piratage, mais aussi d’une diffusion hyper agressive par les sponsors et leurs affiliés et d’une saturation en contenus aux droits de diffusion en théorie limités, tout ça expliquant la surabondance de porno gratuit. Mais malgré ça beaucoup de clients sont toujours prêts à payer pour un service à un prix correct.

Angel de Xes Network dit que le prix des sites avec abonnement donne l’impression d’avoir toujours été décidé à pile ou face. “J’ai remarqué que certains des plus gros sites du marché baissaient le prix de leur pass multisites de 34.99$ jusqu’à 29.99$, explique Angel, se demandant si “l’évolution des sites payants passerait par un prix plus bas, dans le genre de ce que propose Netflix ?”.

Angel avertit que fixer le tarif d’un site payant à un niveau trop bas pourrait paraître suspect pour le client, l’amenant à craindre un service médiocre, et conseille plutôt une approche à plusieurs niveaux, en récompensant la fidélité par un prix plus bas et en mesurant la fidélisation, de façon à trouver le prix adapté pour le site.

LeRoy de DTI Cash donne de l’espoir en révélant que sa société a des sites avec des abonnements mensuels compris entre 55 et 85$ qui continuent de convertir et de rebiller des milliers de membres.

A titre personnel, j’ai tendance à croire que le prix est un facteur surestimé dans l’équation. Si vous arrivez à me faire sortir ma carte de crédit, n’importe quel prix jusqu’à 39.99$ peut fonctionner, mais j’aurais tendance à regarder les offres à bas prix comme étant sans intérêt.

Toutefois malgré ce que je viens de dire, mon abonnement Hulu Plus à 7.99$ par mois (Hulu est un service de VOD en streaming disponible aux US, avec beaucoup de contenu et de la pub en plus de l’abonnement)  peut bien rebiller pour toujours, parce que le prix est trop bas pour me donner envie de l’annuler, et qu’un abonnement à service aussi pratique et bien fait vaut le coup d’être conservé.

Un nombre énorme de clients sont du même avis, démontrant comment Hulu et Netflix ont redéfini la proposition de valeur de la VOD, redonnant vie aux offres d’abonnement à bas prix.

Le modèle payant est loin d’être mort

Pour trouver d’autres chiffres pour donner un autre point de vue je me suis tourné vers les sites pornos les plus populaires, pour évaluer la réaction des clients aux offres payantes dans un milieu où le gratuit est censé être roi.

Sans débattre de l’exactitude des chiffres donnés par Alexa, je vais me baser sur eux à des fins de comparaison et d’illustration, en regardant son classement des 25 plus gros sites pornos, pour trouver un échantillon représentatif.

Sur les 25 plus gros sites pour adultes, qui proposent de tout en partant du liveshow à la rencontre en passant par les vidéos style tube ou la VOD, des histoires érotiques, des galeries de photos, des blogs ou mêmes des sites payants, tous ont une section premium en plus du contenu gratuit qu’ils proposent éventuellement, illustrant le fait que le modèle payant est loin d’être mort, même si ses formes sont de plus en plus variées aujourd’hui.

Alors est-ce que le modèle des sites payants est mort ?

C’est peut-être DrTim de Doc Johnson Entreprises qui résume le mieux l’attractivité durable du porno payant et les opportunités qu’il offre :

“Est-ce que les sites payants sont mort ? Non. Sérieusement, même moi je me suis abonné à deux ou trois sites,” s’est écrié DrTim, ajoutant cependant “qu’il va les laisser tomber et passer sur de nouveaux”.

C’est peut-être comme gagner au loto, mais peut-être que votre site payant est le prochain sur lequel DrTim, ou la multitude de clients comme lui, va payer pour s’abonner, prouvant que le business des sites payants est encore tout ce qu’il y a de plus vivant.