En matière de pornographie sur internet, la loi française manque de précision.

Au commencement il y a le fameux article 227-24 du Code Pénal qui dit exactement ceci :

Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Ce qui implique trois choses :

  1. faire et diffuser du porno est a priori légal en France
  2. sauf si un mineur peut accéder à ce contenu pornographique
  3. certaines dispositions peuvent s’appliquer spécifiquement à la presse, à la télévision et à internet

Vu que sauf erreur de ma part aucune disposition spécifique à internet n’existe en matière de pornographie (enfin sauf pour la VOD, mais c’est fiscal), reste à savoir ce qu’on entend par “susceptible d’être vu ou perçu par un mineur” ?

Et comme souvent dans ces cas où les textes sont flous, c’est au juge qu’on confie la tâche de décider, avec un résultat variable selon les cas et les magistrats.

Dis Papa, avecsonchien.com c’est un site sur le dressage ?

En 2000 Carpe Diem se prend une enquête pour pédophilie suite à une dénonciation.

Evidemment ça ne donne rien du tout, mais au passage les enquêteurs tombent sur un site zoophile et renvoient CD devant le juge qui condamne en première instance.

Tout le monde fait appel de la décision et en avril 2002 la Cour d’Appel de Paris rend son jugement.

Bien que le site ait comporté un disclaimer et un tag ICRA et que les images aient été cryptées, Carpe Diem est condamné à payer 30000 euros d’amende.

Et le juge énonce cette phrase pour bien rappeler que c’est au diffuseur de faire attention :

Il appartient à celui qui décide à des fins commerciales de diffuser des images pornographiques sur le réseau internet, dont les particulières facilités d’accès sont connues, de prendre les précautions qui s’imposent pour rendre impossible l’accès de mineurs à ces messages.

Clairement, le fait que le site examiné soit un site zoophile a pesé dans la sévérité du jugement.

Mais quand même.

Si le marquage ICRA, le disclaimer, la censure des images et l’accès payant ne suffisent pas pour démontrer sa bonne foi, ça revient à interdire de fait aux webmasters français de vendre du porno sur internet.

Mais vu que le cul continue d’exister sur le net français, vous vous doutez qu’il y a autre chose.

Heureusement il y a Allopass

En 2003 le Comité de télématique anonyme est alerté par un couple qui affirme que ses enfants mineurs ont consulté des vidéos pornos en payant par Allopass.

Le comité transmet la plainte et une enquête démarre pour aboutir devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Au final le jugement sera en faveur d’Allopass et à cette occasion le juge rappelle plusieurs éléments importants concernant l’interprétation du 227-24 :

Il doit être observé que la répression instaurée par l’article 227-24 du code pénal, qui vise à protéger les mineurs, doit être appliquée restrictivement, et ce en particulier, afin de ne pas porter atteinte au principe de la liberté de communication subsistant entre majeurs ; qu’une interprétation extensive de ces dispositions légales, fort imprécises, par certains aspects, quant à la définition de l’infraction, serait contraire non seulement aux principes fondamentaux du droit pénal et à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, mais également à l’intention du législateur qui a voulu assurer la protection des mineurs tout en laissant une totale liberté aux majeurs, le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, ayant supprimé les articles 283 et suivants qui visaient les majeurs comme les mineurs, pour ne s’attacher qu’à la protection de ces derniers.

En clair le juge dit que c’est pas parce que les gamins n’ont pas le droit de voir du porno que les adultes doivent en être privés pour autant.

Alors je peux faire un site de cul ?

J’aurais tendance à dire que oui.

Les sites pornos ne manquent pas sur internet et certains acteurs sont même côtés en bourse.

Est-ce que vous avez entendu parler de condamnation pour ces grosses boites ou pour des petits webmasters sur la base du 227-24 ?

Moi pas.

Mon sentiment personnel sur le sujet c’est que les sites pornos sont tolérés en France, ne serait-ce que parce que tout le monde a mieux à faire que s’occuper de ça.

Pourtant je vous conseille de rester prudent avec certaines activités comme le porno extrême (zoo, scato) ou les tubes par exemple (la mise à disposition massive de vidéos pornos sans contrôle pouvant être mal perçue par les juges).

Au delà de ça vous serez sans doute tranquille, même si dans l’absolu le 227-24 reste une formidable épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes.

Exemple concret avec cette réponse de Michèle Alliot-Marie à la question d’un député sur l’absence de sanction pour la diffusion de contenu zoophile.

Si la diffusion d’actes de zoophilie n’est pas spécifiquement prévue par les textes, dès lors qu’un mineur peut accéder à des sites Internet diffusant de telles pratiques, la répression peut se fonder sur les dispositions de l’article 227-24 du code pénal.

Bon ici c’est plus une façon polie d’envoyer balader le député qu’autre chose.

N’empêche que l’argument est là : si rien n’est prévu pour sanctionner la diffusion de contenu zoophile, on peut toujours se servir de la protection des mineurs pour le faire 🙂