Voici un billet assez long qui synthétise 2 chapitres d’un excellent bouquin de Robert B. Cialdini sur la psychologie de la persuasion.

Mon livre étant en anglais les termes employés dans le billet sont de moi (j’ai pas cherché leur traduction “officielle”).

J’espère que ce billet plutôt riche vous plaira, n’hésitez pas à laisser des commentaires si vous voulez plus de billets dans le même genre (ou moins ^^).

La règle de la réciprocité

Cialdini l’énonce très simplement : on essaye de “rembourser” aux autres les choses sympathiques qu’ils font pour nous.

Et pour démontrer cette idée tout simple il se base sur une expérience menée dans les années 60 aux Etats-Unis par le professeur Dennis Regan.

Prenant prétexte l’évaluation esthétique de peintures célèbres, il réunit dans une salle de test deux personnes : un vrai étudiant persuadé d’évaluer les tableaux et un faux étudiant qui mène en réalité l’expérience du professeur.

Plusieurs étudiants sont testés et divisés en deux groupes.

Avec le premier groupe le faux étudiant se lève à un moment de l’évaluation, sort de la salle puis revient avec deux Cocas qu’il dit avoir acheté, un pour lui et un pour l’étudiant.

Avec le second groupe il se contente de sortir faire une pause et revient 2 minutes après.

Pour les deux groupes, une fois les évaluations terminées et les chercheurs sortis, le faux étudiant demande au vrai s’il veut bien lui acheter des tickets de tombola, en expliquant que si jamais il est celui qui en vend le plus il gagnera 50 dollars.

Résultats ?

Les personnes du premier groupe (avec le Coca gratos) ont acheté 2 fois plus souvent des tickets que celles de l’autre groupe, grâce à l’effet de la règle de réciprocité.

L’essayer c’est l’adopter

La règle de réciprocité est utilisée dans sa forme la plus simple avec les échantillons gratuits, du genre les bouts de fromage ou de saucisson qui sont distribués par des démonstratrices dans les supermarchés.

D’ailleurs si jamais quelqu’un spécialisé dans le marketing direct me lit : laisser les gens se couper eux-mêmes une tranche de fromage ou de saucisson donne les meilleurs résultats niveau réciprocité induite et ventes en retour.

Dans un genre plus élaboré, Cialdini cite l’exemple d’une boite américaine vendant des produits d’entretiens qui a essayé une technique de vente basée sur la réciprocité.

Elle faisait distribuer par ses commerciaux des paniers complets de produits d’entretiens que les gens pouvaient essayer gratuitement chez eux pendant plusieurs jours, sans aucune obligation.

Grâce à la puissance de l’effet réciprocité, la technique a donné des résultats délirants, les responsables des filiales locales disant texto :

We’ve never seen a response within our entire organization like this.

Une technique efficace et rentable

Ce qui rend la règle de réciprocité si puissante c’est que les sociétés humaines sont construites sur ce modèle qui veut qu’on se sente redevable d’une personne qui fait quelque chose pour nous.

C’est pour ça les associations caritatives envoient régulièrement des petits cadeaux avec leurs appels aux dons.

En procédant ainsi leur approche est assimilée à un cadeau et active l’effet réciprocité, au lieu d’apparaître comme une simple démarche commerciale et perdre largement en efficacité.

Notez que même un petit cadeau suffit à produire un sentiment d’obligation suffisant pour obtenir une compensation beaucoup plus importante.

Pour reprendre l’expérience de Regan, les personnes achetaient en moyenne 2 tickets de tombola à 25 cents alors que le Coca offert par l’assistant ne coutait que 10 cents.

C’est ce qu’on appelle un bon retour sur investissement 🙂

Cialdini explique cet écart entre la valeur du cadeau de départ et le cadeau donné en retour par une combinaison entre le côté déplaisant de devoir quelque chose à quelqu’un et la norme sociale qui veut qu’on n’accepte pas quelque chose sans rien donner en retour.

Et c’est cette combinaison de facteurs qui permet d’utiliser avec succès une autre technique de persuasion particulièrement efficace que Cialidini appelle le refus-puis-recul et qu’on verra dans la deuxième partie 🙂