Dans la première partie de ce billet on avait vu ce qu’était la règle de réciprocité et le type de comportements qu’elle induisait.

On va maintenant voir une conséquence de la réciprocité que les négociateurs connaissent et exploitent largement : on a tendance à faire une concession à quelqu’un qui nous en fait une.

Comment ça c’est trop cher ?

Dans son livre Cialdini donne un exemple concret particulièrement parlant.

Le propriétaire d’un forum lui propose de sponsoriser sa soirée annuelle en prenant un méga pack sponsor deluxe pour 16K.

Forcément vu le montant il refuse mais derrière l’organisateur lui propose un pack présence commerciale et champagne pour seulement 6K.

Et finalement Cialdini prend ce pack à 6K alors qu’il s’en serait bien passé.

Bon l’exemple d’origine était sûrement un peu différent mais l’idée générale reste la même.

Ce que le propriétaire du forum d’utiliser, c’est une technique que Cialdini appelle le refus-puis-recul (rejection-then-retreat en VO).

Elle consiste à demander quelque chose de vraiment gros en s’attendant à un refus pour ensuite faire une seconde demande plus modérée qui paraîtra d’autant plus raisonnable en comparaison avec la première.

Pourquoi une bonne se trimballe toujours avec une moche

Le refus-puis-recul bénéficie directement de ce que Cialdini appelle le principe de contraste.

En gros l’idée du principe de contraste est que si on présente deux choses différentes l’une de l’autre consécutivement, les différences entre elles nous paraitront plus importantes qu’elles ne le sont vraiment.

Par exemple si vous allez dans un magasin pour acheter un costume et un pull, le vendeur aura tout intérêt à commencer par vendre le costume à 500 euros avant de passer au pull qui en vaut 100.

Puis tant qu’à faire essayer de placer quelques accessoires genre une ceinture ou une chemise 🙂

Procéder dans le sens inverse donnera la plupart du temps de très mauvais résultats vu que le principe de contraste jouera contre le vendeur.

Et à la fin la maman de Bambi elle meurt

Gros avantage de la techniques du refus-puis-recul pour le demandeur : il n’a strictement rien à perdre en l’utilisant.

Par exemple s’il veut que vous lui donniez 5 euros, il a tout intérêt à vous demander 10.

Si vous lui donnez les 10 c’est tout bénéfice pour lui et si vous lui donnez les 5 il a quand même ce qu’il voulait.

Et en plus dans tous les cas il a plus de chance d’obtenir une réponse favorable.

Encore mieux.

On pourrait penser que la technique étant connue, ses victimes auraient tendance à ne pas vouloir respecter leurs engagements ou à se méfier de celui qui l’utilise sur elles.

Mais en réalité c’est l’inverse qui se produit : les gens ayant subi avec succès un refus-puis-recul auront tendance à plus respecter leurs engagements que les autres.

Encore plus intéressant, ils auront tendance à accepter plus que les autres de nouvelles demandes à l’avenir.

Content de s’être fait reculer

Cialdini donne l’exemple d’une expérience où deux sujets (un vrai et un assistant qui se fait passer pour un sujet) doivent se mettre d’accord en un temps limité pour répartir une somme d’argent entre eux.

S’ils tombent d’accord avant la fin du temps imparti, ils partent chacun avec la somme convenue.

Autrement ils perdent tous les deux l’argent.

L’assistant adopte selon les étudiants une des stratégies suivantes :

  • il fait une première proposition délirante genre 90/10 en sa faveur et ne change pas de proposition pendant toute la négociation
  • il fait une première proposition légèrement en sa faveur genre 60/40 et n’en bouge pas ensuite
  • il commence par faire la première proposition délirante puis diminue progressivement pour arriver à celle légèrement en sa faveur

Comme prévu l’étude montre que la troisième stratégie qui utilise le refus-puis-recul est la plus efficace.

Mais elle montre aussi que les personnes sur qui on a utilisé la technique de refus-puis-recul sont persuadées d’être responsables du deal final et d’avoir obtenu ces concessions.

On constate en outre qu’elles sont extrêmement satisfaites du résultat obtenu.

La combinaison de ces deux facteurs (sentiment de responsabilité et satisfaction d’avoir obtenu une négociation favorable) fait qu’au final les gens manipulés de cette façon respectent souvent leurs engagements et en plus seront enclins à accepter de nouvelles demandes avec le sourire.

Toutefois avant d’aller voir votre boss pour lui demander une augmentation en utilisant cette technique, lisez la suite.

Pour bien reculer quelqu’un il faut que la demande initiale reste raisonnable dans l’abus.

Si celui qui la reçoit la trouve abusée, ça ne fonctionnera plus du tout et vos demandes suivantes ne donneront aucun résultat parce qu’elles n’apparaitront pas comme de vraies concessions.